Quelles sont les solutions face au déficit de compétences IT ?

Une étude de Beltug, intitulée ‘Continuity amidst turbulence. The 2023 Belgian Business ICT market study’, examine en détail le déficit de compétences IT. Que révèle cette étude ?

Danielle Jacobs: “Il existe un décalage manifeste. Près d’une entreprise sur deux constate un impact sur ses projets IT parce qu’elle ne trouve pas suffisamment de personnel ou que certaines compétences manquent. Pour huit entreprises sur dix qui ressentent cet impact, il se présente sous la forme de retard dans les projets IT. Ajoutez-y l’inflation – avec l’impact sur les coûts de personnel et le surcoût pour faire appel à des consultants externes – et vous obtenez un duo de choc. Dans le même temps, nous observons aussi que certaines entreprises privilégient l’accélération de leurs projets, par exemple en misant sur l’automatisation des tâches répétitives.”

Ceux qui cherchent un profil sur le marché veulent une expérience pertinente, dans un contexte similaire, et de préférence dans une entreprise du même type. Nous devons nous affranchir de ces critères. L’important est que le candidat ait du potentiel.

Danielle Jacobs, CEO de Beltug

Femke Vandoninck: “La demande d’informaticiens hautement qualifiés, expérimentés et disponibles immédiatement est supérieure à l’offre. Nous sommes donc moins en mesure de satisfaire immédiatement les demandes de profils. L’époque où il suffisait de publier une offre d’emploi pour une compétence spécifique et de sélectionner le meilleur candidat est révolue. Le recrutement de profils IT exige tout l’inverse de l’approche traditionnelle. Vous devez procéder à des recherches actives, convaincre les gens de travailler pour vous et établir des partenariats qui n’ont rien de classique. La fonction de recruteur d’informaticiens a changé du tout au tout.”

Pénuries de profils spécialisés dans les données, la sécurité, le cloud et l’IA

En 2020, McKinsey indiquait déjà dans une étude que la plus grande pénurie de compétences dans les entreprises concernait les profils spécialisés dans les données. Où se situent les principaux besoins actuels selon vous ?

Danielle: “Sur la base de mes entretiens avec les entreprises, je dirais qu’ils se situent dans la sécurité, le cloud et tout ce qui est lié aux données et à l’IA. Mais en réalité, tous les domaines de l’IT sont concernés.”

Femke: “La pénurie ne touche effectivement pas que les données ou l’analyse. La sécurité est également en haut de la liste. Le nombre de cyberattaques augmente de manière exponentielle. Mais de très nombreux domaines, comme l’utilisation du cloud souverain notamment, nécessitent une attention simultanée.”

Danielle: “Et comme il n’y a pas assez de personnel, certains aspects restent sous-exploités. Notre étude révèle par exemple que les entreprises utilisent peu le multicloud. Elles ont déjà des difficultés à recruter suffisamment d’experts autour d’une plateforme, alors imaginez avec deux ou plusieurs plateformes.”

Femke: “Il n’est pas non plus facile d’acquérir de vastes connaissances dans ce domaine. C’est pourquoi nous multiplions les initiatives en matière de T-shaping. Chez le profil en T, la barre verticale du T représente l’expertise approfondie dans un domaine, tandis que la barre horizontale représente les notions pertinentes dans des domaines annexes. Ce profil n’est cependant pas du tout évident à atteindre.”

L’enseignement doit rester plus général

Selon l’étude ‘skills gap analysis’ de Valamis, 79 % des participants estiment que la ‘requalification’ de collaborateurs existants coûte moins cher que les nouvelles recrues. Pourquoi ces nouveaux collaborateurs ne répondent-ils pas aux attentes des entreprises ? Les formations en informatique sont-elles inadaptées dans notre pays ?

Danielle: “Il me paraît essentiel que les hautes écoles et universités continuent de dispenser une formation générale. À long terme, il est préférable de disposer d’un éventail plus large de connaissances et de compétences.”

Femke: “Il est plus pertinent de recruter en fonction de la capacité d’apprentissage, la flexibilité et l’envie de se spécialiser que de se concentrer sur une expertise spécifique. Les diplômés ‘prêts à l’emploi’ ne sont donc pas la solution, même si c’est ce que souhaitent certaines entreprises. L’enseignement doit garantir la capacité d’apprentissage. Les étudiants découvrent ainsi toute l’étendue d’un domaine et s’intéressent à certaines spécialisations. Les entreprises prennent ensuite le relais en investissant dans la formation sur le terrain.”

Il est plus pertinent de recruter en fonction de la capacité d’apprentissage, la flexibilité et l’envie de se spécialiser que de se concentrer sur une expertise spécifique.

Femke Vandoninck, responsable RH chez Proximus

Rika Coppens, la CEO de House of HR, a déclaré dans une interview au journal De Tijd que la pénurie sur le marché de l’emploi s’expliquait en partie par un manque de flexibilité des employeurs. Partagez-vous son ressenti ?

Danielle: “Quiconque recherche un profil sur le marché veut cocher un maximum de cases, de préférence avec une expérience pertinente dans un contexte similaire et dans une entreprise du même type. Nous devons nous affranchir de ces critères. Nous devons apprendre à formuler nos offres d’emploi différemment et à offrir plus de chances aux profils potentiels. Mais c’est souvent loin d’être évident.”

Femke: “Il existe évidemment une multitude d’emplois différents dans l’IT. Pour les acteurs majeurs, l’enrichissement mutuel entre les différents profils est plus facile. Ils peuvent recruter puis former des collaborateurs.”

Adaptabilité et prestataire de services

Comment une entreprise comme Proximus peut-elle contribuer à la recherche de solutions au déficit de compétences IT ?

Danielle: “Les entreprises qui trouvent difficilement une expertise spécifique déplacent le problème en faisant appel à un prestataire de services tel que Proximus. L’adaptabilité joue bien sûr un rôle dans la concurrence entre les entreprises. Un prestataire de services pourra proposer une offre plus intéressante à un profil IT, parce que ce dernier aura plus facilement la possibilité de travailler sur différents projets ou dans différentes entreprises.”

Danielle Jacobs, CEO de Beltug

Femke: “Cette adaptabilité est un facteur important. Nous aussi, nous éprouvons parfois des difficultés à trouver des profils IT déployables immédiatement, mais nous avons plus de possibilités d’investir dans la formation. Nos collaborateurs deviennent donc plus rapidement intéressants pour nos clients et nous nous adaptons plus vite lorsque nous recherchons des profils spécifiques pour répondre à un besoin spécifique. Nous avons par ailleurs la possibilité d’offrir davantage d’opportunités de carrière et de diversité.”

Apprendre à utiliser l’IA

Quel emploi pourra-t-on trouver en 2030 qui n’existe pas encore aujourd’hui ?

Danielle: “Les évolutions se succèdent trop vite pour pouvoir répondre à cette question. Dans le futur, l’IT sera étroitement lié à chaque fonction. Il sera pratiquement impossible de trouver un emploi qui ne nécessite aucune notion d’informatique, de processus numériques ou d’interfaçage utilisateur. L’IA, la sécurité et la confidentialité sont partout. À l’instar des enfants qui doivent apprendre à utiliser les réseaux sociaux, les entreprises doivent maintenant apprendre à utiliser l’IA : qu’est-ce qui est fiable et qu’est-ce qui ne l’est pas ? La conscientisation ne fera que gagner en importance.”

Femke: “Quand l’IA sera aussi capable de contrôler les cyberattaques, nous aurons besoin de compétences extrêmement pointues pour y faire face. Et ceux qui remplacent les tâches répétitives par l’IA devront être encore mieux armés pour interpréter correctement les résultats obtenus. Dans le même temps, nous devrons aussi apprendre à collaborer et à partager nos connaissances d’une autre manière.”